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    12 février 2016

   Ce jour-là, je l'attendais depuis plus de trente minutes, finissant presque par ne plus croire qu'il allait venir. J'étais affalé dans mon fauteuil, résistant à la fatigue qui essayait de me forcer à fermer les yeux et de quitter le monde des réalités. Lorsque j'avais arrêté de résister et que mes paupières se fermaient lentement, la porte s'ouvrit. Mes yeux s'étaient simplement ouverts brusquement, mais mon corps ne bougea pas, restant toujours dans cette position grotesque pour recevoir un patient. Mais, ce patient était particulier alors je m'en moquait au final. Sans un mot de l'un de nous deux, l'ancien détenu s'assit à la place habituelle, me fixant. Je me suis un peu étiré avant de commencer cette quatrième séance.

"- Quel est votre nom ?

- Numéro 13." Répondit-il en soupirant.

Il avait l'air agacé que je lui pose s'en cesse la même question. Et c'était compréhensible. Moi même je commençais à en avoir marre de poser toujours la même question avec lui. Je laissais un silence s'installer entre nous deux, préférant m'occuper à gribouiller sur mon bloc-note. Mais lui semblait ne pas vouloir de ce calme.

"- Pourquoi me poser cette question à chaque fois ?

- J'aime bien savoir à qui je m'adresse avant de discuter. En l'occurence, Treize ne m'intéresse pas. Si vous voulez, vous pouvez partir tout de suite, comme ça je ne vous ferais pas perdre votre temps, et le mien aussi au passage." Dis-je en gardant mon nez dans le bloc-note.

A notre première séance, il m'avait fait la réflexion que je perdais mon temps, je ne lui rends que l'appareil. Finalement, mon regard se leva pour le regarder, ayant constater qu'il n'avait toujours pas bougé du canapé. C'est alors qu'il se pencha légèrement en avant, pour poser ses avant-bras sur ses cuisses.

"- Reposez-la.

- Je n'ai pas envie de discuter avec vous.

- Reposez-la."

Cette répétition avait été dite d'une voix plus dure et agacée. Après avoir laisser un court petit temps de pause, j'avais fini par faire ce qu'il m'avait dit.

"- Quel est votre nom ?

- Liam Mars."

Mes yeux s'écarquillaient inconsciemment. Il avait enfin décidé de ne plus se cacher derrière une fausse identité. Je me redressais rapidement, serrant le stylo dans la main. J'avais tellement de choses à lui demander que je ne savais même pas par où commencer. Il m'avait eu par surprise. Toujours autant d'étonnement avrec lui.

"- Euh, je ..."

De ma main libre, je frottais mon visage pour essayer de me réveiller le plus possible, pour prendre complètement conscience de la situation. Jamais je n'aurais pu m'imaginer qu'il allait me répondre par sa véritable identité. Point positif, il était conscient qu'il jouait un rôle et qu'il s'était donné lui-même une autre identité.

"- Puisque vous ne savez pas quelle question me poser, à moi de vous en poser une. Est-ce que vous me prenez pour un fou, Monsieur Caulfield ?

- N'importe quelle personne vous prendrait pour un fou, mais après une rapide réflexion, vous ne l'êtes pas. Au départ, je pensais que vous étiez atteint d'un trouble dissociatif de l'identité. Cela aurait changeait beaucoup de choses. Répondis-je lentement, croisant mes bras.

- Quelles choses ?

- Eh bien, l'acte que vous avez fait il y a 12 ans, ce meurtre. Être atteint de ce trouble aurait pu vous donner l'impression d'être quelqu'un d'autre sous un autre nom, d'être une nouvelle personne de celle que vous êtes habituellement. Cette deuxième identité, Numéro 13, serait dangereuse avec des pulsions de meurtre.

- Depuis quand avez-vous fait la conclusion que je n'avais pas ce trouble ?

- A l'instant. Quand je vous posai la question sur votre nom, j'avais le droit à la même réponse, à chaque fois. Cela aurait été le comportement d'un trouble mental. Aujourd'hui, vous avez enfin pris la décision de me dire votre vrai nom. Vous m'avez forcé à répéter la question pour que vous puissiez enfin me répondre par votre vrai nom. Quelqu'un atteint d'un trouble dissociatif de l'identité ne m'aurait pas forcé à faire ça et ne m'aurait pas non plus répondu par sa véritable identité."

Un sourire se dessina sur ses lèvres lorsque je terminais ma réflexion. Il se mit même à applaudir quelques courtes secondes.

"- Vous avez failli me donner mal à la tête.

- Parlons de choses plus sérieuses à présent. Pourquoi avoir décidé de prendre une nouvelle identité ? Surtout que ce nom vous lit directement à la prison.

- Je vous l'ai dit à notre dernière séance, j'en suis arrivé au commencement.

- De quel commencement parlez-vous ?

- Vous ne posez pas les bonnes questions, Mark."

Venait-il de me tutoyer ? Ce type me plaisait de moins en moins au final. Il jouait plus qu'autre chose. Je n'étais pas son jouet, ni son divertissement.

"- Vous me disiez que Liam Mars était mort ... J'ai du mal à saisir.

- Ce n'est pas bien compliqué pourtant.

- Donnez de vraies réponses, concrètes.

- Le commencement.

- Arrêtez avec votre commencement !"

Ca y est ... J'ai levé la voix et je me suis énervé extérieurement. Mais l'adrénaline que j'avais eu aux deux premières séances était soudainement revenue, maintenant que je pouvais avoir des réponses. Je continuais de l'amuser ... Son sourire devenait de plus en plus grand. Et de plus en plus malsain.

"- Que signifie un commencement Monsieur Caulfield ? Continua-t-il en se redressant pour coller son dos au canapé.

- Le début de quelque chose.

- Exactement. Liam Mars est mort pour laisser sa place à Numéro 13. C'est le commencement de nouvelles choses.

- De nouveaux meurtres ?"

Il ne répondit pas à cette question, lâchant simplement un petit rire expulser avec de l'air par les narines. Même avec cette explication à propos du commencement, je ne comprenais toujours pas pourquoi est-ce qu'il avait dit que ce commencement était triste ... Parlait-il de la tristesse des personnes qui perdront quelqu'un ? Des nouveaux meurttres ?! Le jeu devait se terminer maintenant, et je savais comment.

- C'est exaspérant de constater que tuer votre soeur ne vous a pas suffit.

- Je n'ai jamais dit que je l'avais tuée.

- Les preuves sont présentes pourtant.

- Les preuves mènent simplement vers des choses toutes autres.

- Pourquoi ne pas dire que vous l'avez tuer alors que vous avez écrit cette lettre ?

- Cette lettre est celle d'un adolescent qui se reprochait certaines choses et qui avait choisi de s'excuser auprès de ses parents par lettre.

- Et la chose que vous alliez faire, quelle était-elle ?

- Un adolescend a un tas de chose à faire. S'il s'est excusé auprès de ses parents, il peut s'agir d'histoires de gamins avec des camarades ou d'autres jeunes.

- Vous êtes en train de me dire que vous avez tuer d'autres personnes ?

- Arrêtez de dire que j'ai tué telle ou telle personne. Je n'ai rien affirmé du tout.

- Vous n'affirmerez jamais rien, c'est pour cette raison que vous faites des sous-entendus."

Il continuait de sourire, se levant finalement pour partir vers la porte. Mes yeux se baissaient sur mon bloc-note, commençant à écrire.

"- A qui vais-je faire face la prochaine fois ? A Liam ou à Treize ?

- Ca va dépendre. Répondit-il en ouvrant la porte.

Ma tête se redressa pour le regarder, stoppant mon écriture. -Dépendre de quoi ?

- De beaucoup de choses."

Il était parti.

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